18






« Let it struggle just a little bit more. »



La rentrée fut difficile. May avait coupé son téléphone depuis la soirée du nouvel an, refusant tout appel ou texto l’insultant. C’était plus facile d’éviter les problèmes. Mais plus compliqué d’ignorer les regards.

Lorsque ses parents l’avaient conduite jusqu’aux portes de Crown Elington, May avait senti un haut-le-corps monter en elle. L’imposant bâtiment en pierre blanche lui tordait l’estomac et lui donnait envie de rebrousser chemin en courant. Soit on l’ignorait, soit on la regardait froidement ou méchamment ; le genre d’attitude que des passants auraient en croisant un clochard dans la rue. Et ça la rendait folle.

Elle n’avait rien fait. Elle le savait. Mais elle semblait être la seule à y croire. Elle n’avait eu aucune nouvelle d’Alienor et n’y comptait plus. Désormais, elle était seule, véritablement seule. Quelque chose en elle ne pouvait l’empêcher de penser que quelque part, ça l’arrangeait. Maintenant, la copine de Harry Styles n’avait plus à traîner son boulet de meilleure amie. Maintenant, la copine de Harry Styles était libre comme l’air.

Lorsqu’elle rentrait chez elle le soir, May s’enfermait directement dans sa chambre et se couchait, dormait jusqu’au dîner et après avoir mangé, dormait jusqu’au lendemain matin. Elle avait abandonné l’idée de travailler, de toute manière elle devait être stupide et pourrait faire carrière dans une société de techniciennes de surfaces. Du moins, c’était ce qui lui répétait ses parents.
Seul Timothee la soutenait, de façon un peu maladroite certes, mais il était là.

Elle avait supprimé tous ses contacts dans son téléphone et avait bloqué le numéro de Harry. Ce dernier n’osait même pas la regarder dans les couloirs et de toute manière, elle faisait tout pour l’éviter. L’énorme déception avait fait place à une colère grondante en elle. Jamais elle n’aurait toléré qu’il lui envoie un nouveau message, puisque de toute évidence elle n’était pas digne de savoir qui se cachait derrière le pseudonyme « Keith », lui n’était plus digne d’avoir ses réponses.

Quelque part, le fait d’être seule avait quelque chose d’apaisant. Elle n’avait plus à faire semblant ou à jouer à la fausse populaire. Elle s’était libérée de cette prison dorée et bien qu’elle ait perdu tous ses « amis », au moins elle savait sur qui elle pouvait compter désormais : elle-même. Avec une certaine surprise, May s’était rendue compte que la solitude n’était pas si pesante que ça. Ce qui était lourd à porter c’était l’ennui et le vide qui s’étaient emparés d’elle. Et qui ne la lâchaient pas.



*




_ Qu’est-ce que tu lis ? demanda Zayn en regardant par-dessus l’épaule de la blonde.

Rose retourna le livre et lui montra la couverture.

_ Le Comte de Monté Cristaux, déchiffra Zayn. Elle retourna à sa lecture sans lui accorder un nouveau regard. Ça lui était égal, au moins il pouvait l’observer sans gêne. Ses cheveux blonds lui tombaient légèrement sur le visage et cachaient son adorable minois, mais il pouvait distinguer ses tâches de rousseur ou tout du moins, en deviner la majorité. Il adorait ses petites tâches brunes qu’elle arborait sur ses pommettes, son nez, ses cernes et même sur ses paupières. Il n’avait jamais rien vu de tel. D’habitude, les anglaises étaient roses et leurs tâches de rousseurs étaient sur tout le visage, d’une couleur à peine plus foncée que leur peau et ça les grossissaient, leur donnant l’air de truies. Rose était différente, elle était dorée, pas rose. Ses cils étaient longs et naturellement recourbés, bruns alors qu’elle était blonde, ce qui lui donnait un regard de biche lorsqu’elle échangeait un regard avec lui. Il chérissait ces moments.
_ Je sais que tu m’observes, tu sais, dit-elle finalement en relevant ses yeux perles vers lui.
_ Mais je ne m’en cache pas, sourit-il, amusé.
_ Tu n’as donc aucune…
_ Quoi, éducation ?
_ Ouais, souffla-t-elle en mettant un marque page. Tu me mets mal à l’aise.

Zayn lissa les draps de son lit. La chambre de Rose était banale : blanche, grise, lumineuse et confortable, petite et chaleureuse. Il s’y sentait bien.

_ Je sais que je devrais l’être, mais je ne suis pas désolé, dit-il.
_ Tu es bizarre Zayn.
_ Je sais. Tu es bizarre aussi, Rose.
_ Je sais, murmura-t-elle.

Il attrapa sa main et noua ses doigts aux siens. Un frisson le parcouru et lui fit dresser ses poils d’avant-bras, ce que Rose remarqua car elle lui frôla la peau pour la sentir sous ses doigts.
Zayn sentait son cœur s’emballer et ferma les yeux pour se délecter de cette sensation. Jamais il n’avait ressenti cela auparavant. Cette fébrilité, cette chaleur permanente au fond de ses entrailles, la sensation de sentir du miel couler dans ses veines, de voir le monde plus ensoleillé, plus vif, plus coloré… Il se sentait léger comme l’air.

_ Tu as froid ? demanda Rose. Tes poils se sont hérissés.
_ Non, je n’ai pas froid. C’est toi qui me fais cet effet-là.

Il lut la surprise dans ses yeux. Il aimait la provoquer et la mettre mal à l’aise. Elle replongea dans son livre pendant que Zayn fermait les yeux à nouveau, allongé sur le dos. Ses mains se croisèrent sur son torse et il s’assoupit.



*




Juliet trainait devant la télévision. Un bol de céréales dans les mains, les yeux emplis de sommeil et rivés vers l’écran plat, elle mastiquait mécaniquement les corn flakes. Abigael vint la rejoindre et se faufila sous le plaid que sa sœur avait tiré sur ses jambes nues. Un film de Noël passait sur la chaîne et la météo était ridiculement mauvaise dehors. Le genre de journées à passer sous la couette avec un bon livre.

_ Tu veux bien mettre un peu plus fort s’il te plait ? demanda la petite sœur en se blottissant contre Juliet qui, toujours les yeux rivés vers l’écran, attrapa la télécommande et s’exécuta.

Elles restèrent silencieuses jusqu’à ce que le générique s’enclenche. Les noms d’inconnus défilèrent blanc sur noir, sur une musique joyeuse et festive. Juliet s’allongea de tout son long sur le canapé et posa sa tête sur les cuisses de l’adolescente, réclamant silencieusement qu’elle lui touche les cheveux. La jeune fille à frange passa ses longs doigts dans les mèches brunes et Juliet ronronna de plaisir.


Musique : Wonderwall, Ryan Adams

_ Je ne veux jamais que les cours reprennent, annonça cette dernière.
_ La rentrée était lundi dernier, patate. Les vacances se sont terminées il y a déjà une semaine.
_ Dans ma vie, tous les jours c’est les vacances, déclara fièrement Juliet.
_ Tu vas louper ton année…
_ C’est très probable.
_ Jules… Maman et Papa s’inquiètent, ils ne savent plus quoi faire.
_ Ca nous fait un point commun.
_ Moi aussi.
_ Un point commun à tous, alors.
_ Arrête, soupira Abigael en se stoppant. Tu ne peux pas prendre la vie aussi peu au sérieux Jules. Tu dois te reprendre, tu vaux mieux que ça.
_ Je suis très bien comme je suis.
_ Ah ouais ? T’es heureuse ?

Juliet la fusilla du regard mais sa sœur soutint son regard sans broncher.

_ J’aime bien Louis, changea Abigael de sujet. Il a une bonne influence sur toi.
_ Qu’est-ce que tu essaies de me dire au juste ? dit-elle en se relevant pour se mettre face à face.
_ Owen m’a demandé si vous étiez en couple à la soirée du nouvel an. Je t’avoue que votre complicité crevait tellement les yeux que j’ai failli dire « oui ». Il a l’air de beaucoup t’aimer.
_ Ouais, moi aussi je l’aime beaucoup, mais ce n’est pas ce genre d’affection, dit Juliet en s’agaçant. On est très amis.
_ La limite est mince entre l’amitié et l’am…
_ On est pas toutes comme toi, Aby, railla Juliet en se levant.
_ Pourquoi tu es toujours désagréable ?
_ Tu abordes des sujets désagréables, voilà tout.

Les deux sœurs se toisèrent un instant et relâchèrent la pression en choisissant d’aller s’isoler dans leurs chambres respectives. Juliet laissa l’eau chaude de la douche la détendre pendant une bonne dizaine de minutes, sans aucune pensée pour les petits africains qui n’avaient pas d’eau. Elle aimait être égoïste, injuste et prétentieuse. C’étaient des défauts que les gens ne supportaient pas mais admiraient chez elle. Louis était différent, il voyait au travers de tout ça et elle avait redécouvert avec lui d’autres facettes de sa personnalité.

Elle enroula une serviette autour de sa poitrine et s’épongea le reste du corps. Attrapa son téléphone portable dont l’écran était défoncé, composa le numéro de Louis et s’assit sur le rebord de son lit.

_ Yo, dit-il en décrochant.
_ Hey toi, je suis toute nue.
_ Super, j’arrive tout de suite.

Il raccrocha, elle rit, enfila un jogging, un vieux t-shirt troué, une paire de chaussettes en pilou-pilou qu’Abigael lui avait offert pour Noël, attacha ses cheveux en une queue de cheval, fit le lit et entendit les pneus de la voiture de Louis crisser dans son allée.

_ Quel est le problème ? dit-il en lui claquant un baiser sur le front pendant qu’il essuyait ses pieds sur le tapis de l’entrée.
_ Je m’ennuyais, je me suis dit que tu pourrais me servir de bouche-trou.
_ On semble avoir une utilité commune alors.

Il la suivit dans sa chambre, sauta sur son lit, lui piqua tous les oreillers, se bâtit contre elle, gagna, céda la moitié de sa victoire et ils s’allongèrent tous les deux sur le dos sur le matelas.

_ C’est le CD de Jeff Buckley qui tourne ? demanda-t-il.
_ J’étais d’humeur nostalgique.

Il fredonna doucement l’air de la chanson qui passait et Juliet vint se blottir contre lui. Il sentait le gel douche et l’after-shave.

_ Je me posais une question Louis.
_ Je t’écoute, dit-il en lui passant la main dans les cheveux.
_ Depuis combien de temps tu n’as pas baisé ?

Il eut un spasme de rire.

_ Wow, si longtemps que ça ?
_ La ferme.
_ Non mais sérieusement !
_ Je ne couche qu’avec mes petites amies, donc ça te donne une idée de quand était la dernière fois.
_ Ca ne te manque pas ?
_ Faire l’amour ? Si, évidemment, ne sois pas stupide. Mais je peux vivre sans aussi. Et toi ?
_ Avant-hier. C’était un affreux amant.
_ Je ne sais pas ce qui est le pire. Ne rien faire, ou mal le faire.

Elle rit.

_ Je peux t’avouer un truc ?
_ Je t’écoute, répondit Louis.
_ Je n’ai pas la moindre idée de pourquoi je suis comme je suis. Je ne comprends pas pourquoi je suis si pressée de me jeter dans les bras du premier venu, de fumer toute la Marie-Jeanne du quartier, de me prendre des cuites à toutes les soirées, de…
_ Tu ne t’es pas prise une cuite le soir du nouvel an.
_ Parce que tu étais avec moi, dit-elle en relevant son visage vers lui.
_ Peut-être qu’on devrait faire la fête ensemble plus souvent alors.

Elle se rallongea sur son torse et écouta la musique.

_ Pourquoi cette question en premier lieu ? demanda-t-il.
_ Pure curiosité. Je suis un peu surprise que tu ne couches qu’avec tes petites amies, et pas avec n’importe-qui.
_ Quoi, j’ai la tête d’un chaud lapin ?
_ Tu tends le bâton pour te faire battre. Non, c’est juste que ce sont plutôt les filles qui sont dans cet état d’esprit-là.

Il ne répondit pas et continua de jouer avec ses cheveux.

_ Louis, tu t’es déjà demandé si tu étais quelqu’un de bien ?
_ Tout le temps, tous les jours.
_ Tu l’es ?
_ J’essaie. C’est pas facile.
_ Je me suis toujours acharnée à être exactement l’inverse de « bien ». Et puis je t’ai rencontré, et je ne sais plus si c’est ça que je veux. Je suis un peu perdue.
_ Je pense que ça fait longtemps que tu t’es perdue Juliet Wood.

Ils restèrent dans le silence plusieurs minutes, pensifs. Rien ne troubla leurs réflexions, rythmées par la douce voix de Buckley. Rien ne troubla leurs respirations, accrochées l’une à l’autre. Rien ne troubla la chaleur des rayons de soleil qui venaient jouer sur leur peau. Ils restèrent serrés l’un contre l’autre, jusqu’à ce que la nuit tombe.


*



28 février 2013


Musique : Old Money - Lana Del Rey

May traversa la cour les écouteurs vissés dans ses oreilles, fendant la foule tête baissée. Ses Docs Martens frappaient le sol sur un rythme acéré. Son meilleur ami, James, la suivait de près en essayant de garder rompre la distance. Il finit par la rattraper et posa une main sur son épaule.

_ On doit parler.
_ De ? dit May en attrapant ses clés dans son sac et en ouvrant son casier où elle jeta sans cérémonie ses bouquins.
_ De toi.

James lui arracha son sac des mains et fouilla dedans sous ses cris énervés. Il mit la main sur une petite boîte métallique qui dégageait une odeur de thym.

_ Tu te fiches de moi May, gronda-t-il en voyant le contenu. Depuis combien de temps exactement tu te drogues ?
_ Le cannabis ce n’est pas vraiment de la drogue, rétorqua-t-elle en lui reprenant sèchement ses affaires.
_ Qu’est-ce qui te prends ?
_ Quoi.
_ Te défoncer te fait du bien ? Tu es dégoûtante, dit-il en reculant d’un pas.
_ Oui, c’est le genre de réputation que j’ai. Tu n’avais jamais remarqué que dans réputation, il y avait le mot « pute » ? C’est amusant non. Redonne-moi ma boîte s’il te plait.

Il l’observa un instant, les sourcils froncés.

_ Je sais que tu n’es pas dans les meilleures dispositions pour être quelqu’un de particulièrement agréable en ce moment, je sais également que tu vis une période difficile et clairement, je dois être en train de manquer quelque chose. Mais je ne peux pas te laisser faire ça May, dit-il en hochant négativement la tête.
_ Ah, voyez-vous ça, rit la jeune fille en mettant ses mains sur ses hanches. Le fidèle James essaie de sauver la pauvre petite May, comme toujours. Grande nouvelle bébé, la vie n’est ni un roman, ni un film, et personne n’a envie d’être secouru.
_ Ton attitude...
_ Mon attitude exprime l’envie qu’on me laisse tranquille, le coupa-t-elle. Tu peux t’évaporer, comme la fumée de mes joints. Personne ne te retiendra, tu peux avoir la conscience tranquille. Je peux prendre soin de moi, merci.

Il la regarda, blessé.

_ Tu es décevante May…
_ Il parait. Redonne-moi la boîte s’il te plait.
_ Tu n’es pas seule.
_ Je suis, au contraire, très seule. James, soupira-t-elle, fatiguée, j’apprécie l’intention. Mais je voudrais rentrer.
_ T’es vexante. Tu me fais mal.

Elle l’observa, interdite. La douleur. Elle avait oublié ce que c’était depuis plusieurs semaines déjà. May essaya de lire dans ses yeux quelque chose, de comprendre un peu mieux son ami, mais elle n’y parvint pas. Elle n’avait pas l’énergie.

_ Je t’aime, annonça James, et May cligna des yeux.
_ Depuis quand ?
_ Toujours.
_ On est déjà passé par là, dit-elle en reprenant la boîte et en la fourrant dans son sac.
_ Je ne supporte pas de te voir comme ça…
_ Et moi je ne supporte pas de savoir que tu ressens ces choses-là pour moi. Il vaut mieux qu’on s’éloigne l’un de l’autre, le temps que tu guérisses, dit-elle mécaniquement en cherchant son briquet.
_ Tu n’es pas une maladie, dit-il en posant sa main sur la sienne.
_ Le poison n’est pas une maladie non plus, mais il est toxique. Un jour tu passeras à autre chose.
_ Tu es tellement…

Elle s’agaça et soupira, jetant un cahier dans son casier dans un geste d’humeur.

_ Je suis quoi ? Tu veux que je te dise, je suis beaucoup de choses, mais toi, toi t’es juste égoïste. Tu me dis que tu m’aimes, tu me fais culpabiliser en pensant que c’est notre seul moyen de communication, mais peut-être qu’avant de penser à toi et ton envie de partager ce genre de choses, tu aurais dû te poser la question de si j’avais envie d’entendre ce genre de vérités. Peut-être qu’il serait bon que tu arrêtes de penser à toi et que tu regardes les gens autour qui font partie de ta vie. Peut-être que moi, j’avais juste besoin d’un ami. Peut-être que j’avais juste besoin de toi.

Elle referma le casier et s’en alla, et cette fois-ci, il ne la suivit pas. Elle enfonça ses écouteurs dans ses oreilles et sentit sa gorge se serrer. Son meilleur ami était tout ce qui lui restait, et elle venait de le rejeter cruellement. Il l’aimait et elle était incapable d’aimer qui que ce soit.

Autour d’elle, les gens gravitaient comme dans un film. Il y avait les mauvais genres qui fumaient à la sortie, les groupes de populaires qui se racontaient les dernières histoires, les ados à scooter qui jouaient avec la vitesse et les rires qui se mêlaient au vent et à la fraîcheur de l’hiver. Les marches en pierre dorée de Crown Elington étaient recouvertes de boue, d’herbe et de neige fondue.

Elle se mit à marcher, les yeux regardant un point au loin. L’horizon était recouvert d’un voile de pluie. Elle vit une frimousse blonde se retourner et malgré elle, croisa les yeux d’Alienor. Celle-ci eut un mouvement brusque avec son bras, ce qui attira l’attention de Harry qui la tenait par la taille. Le trio s’observa. Le groupe était réuni et ils se retournèrent tous pour l’observer, de l’autre côté du trottoir. Elle croisa les yeux noisette de Zayn qui restèrent impassibles. Ses yeux versèrent vers le sol, comme s’il avait lu en elle.


But if you send for me you know I'll come
If you call for me you know I'll run
I’ll run to you, I’ll run to you
I’ll run, run, run,


Elle continua sa route, quitta la rue du lycée, marcha, longtemps, au hasard, augmentant le son pour oublier que les gens étaient heureux autour d’elle, fendant les rues en ignorant où elle se dirigeait. La voix de Lana del Rey la berçait tout doucement et elle ne fit pas attention en traversant la route. Une voiture fonçait, roulant à toute vitesse dans sa direction. C’est le bruit du crissement des pneus qui l’alerta et elle eut à peine le temps de glisser sur le trottoir et d’éviter l’engin. Sa hanche fit un bruit sourd en heurtant le sol et elle sentit une douleur aigüe lorsque la chair de sa main se déchira sur le macadam. Un regard vers la route lui indiqua que le conducteur n’avait pas eu la délicatesse de s’arrêter, il avait déjà disparu. La rue était déserte. Elle eut soudainement envie de pleurer. Elle n’avait même pas eu peur, pas eu le moindre tressautement ou le cœur qui s’emballe. Elle n’avait rien ressenti.

Une bouffée de rage et de frustration l’envahit. Elle avait envie de hurler mais rien n’y faisait, une boule d’épines lui lacéraient la gorge et l’empêchaient de faire ou d’éprouver quoi que ce soit.

Délicatement, elle essuya la boue sur son jean, mais resta assise sur le trottoir, tremblante d’adrénaline. Sa main saignait. Son cœur saignait. La souffrance était physique, morale. Elle sentit de grosses larmes rouler sur ses joues et enfin, le soulagement de ressentir quelque chose. Elle apposa sa main ensanglantée pour cacher son visage.

Plusieurs minutes passèrent, elle sanglota jusqu’au soulagement, jusqu’au soupir, jusqu’à être interrompue par une ombre devant elle. Des baskets entrèrent dans son champ de vision et elle essuya pudiquement ses larmes, se barbouillant de sang séché. En relevant les yeux, elle croisa un regard océan qui se voulait sympathique.
Elle renifla, baissa les yeux, gênée, puis releva ses prunelles pour être certaine de ne pas avoir rêvé. Devant elle se tenait Niall Horan, et rien ne portait à croire qu’il avait l’intention de bouger.

_ Je peux t’aider ?

May hocha la tête de gauche à droite.

_ J’ai entendu un accident, je voulais savoir si tout allait bien. Tu es blessée. Tu viens d’avoir un accident ?

Elle lui montra sa main qui continuait de saigner pour confirmer ce qu’il disait. Des taches brunes avaient sali son jean, son sac et la manche de son pull.

_ C’est plutôt moche. Tu es blessée autre part ?
_ J’ai… je suis tombée, mais ça devrait aller.
_ Tu veux de l’aide pour te relever ?
_ S’il te plait.

Délicatement, il l’attrapa par les avants bras et la souleva. Elle fit une grimace.

_ Tu habites loin ?
_ Je ne sais pas, j’ai marché sans faire attention.
_ Tu allais où ?
_ Ailleurs, répondit-elle en s’époussetant doucement.
_ Ma maison n’est pas très loin d’ici. Je peux te ramener si tu veux.

Elle sembla hésiter et il en profita pour s’emparer de son sac et de lui proposer son bras pour la soutenir.

_ Je… je ne sais pas. Je n’ai pas très envie de...
_ Je me fiche de ce que tu as fait ou des rumeurs qui courent à ton sujet, May. Tu es blessée et choquée, laisse-moi t’aider. Tu ne croiseras personne, ne t’en fais pas.
_ Tu me connais ?
_ Tout le monde te connait.

Elle choisit d’ignorer son bras et de marcher par elle-même. C’était douloureux, mais pas insoutenable. Ils arrivèrent à la colocation au bout de quelques minutes de marche seulement. Il ouvrit la porte, lui fit gravir les escaliers et l’installa sur le rebord de la baignoire qu’il partageait avec Liam. Lentement, il lui désinfecta la main, la banda jusqu’à ce que la gaze ne s’imprime plus de rouge. Ses gestes étaient précis et emplis de délicatesse. Il lui demanda s’il pouvait se permettre de regarder sa hanche, elle hocha la tête et releva doucement son t-shirt.

_ Tu es blessée un peu plus bas, il faudrait que tu… enfin que tu le baisses un peu. Juste pour que je puisse atteindre la plaie, dit-il en désignant le haut de sa cuisse.

Elle dégrafa sa braguette et baissa lentement son jean, découvrant à quel point la plaie était grande. Elle ne parut pas gênée de se déshabiller, en vérité elle paraissait penser à autre chose et ne semblait même pas remarquer à quel point cette situation aurait pu être compromettante.

_ Tu ne t’es pas loupée, dit l’irlandais pour détendre l’atmosphère. Aux tressaillements qu’elle essayait de cacher, il devinait qu’elle avait mal lorsqu’il la touchait, mais elle ne se plaint à aucun moment. Les mâchoires serrées, elle fixait un point dans la salle de bain et gardait la tête haute.
_ Ce sont des blessures qui restent superficielles, ne t’en fais pas. Tu ne t’es rien cassé je pense, dit-il en se retournant pour que la jeune fille puisse se rhabiller.

Elle hocha la tête. Il l’observa attentivement.

_ Est-ce que je peux me permettre ? il se rapprocha d’elle et mouilla une serviette. Tu as du sang sur le visage.

Et tout doucement, il approcha le tissus et essuya chaque goute. Il en profita pour observer la cambrure de ses lèvres roses, devinant des fossettes lorsqu’elle devait sourire. Elle avait une jolie peau lumineuse, lisse et ronde, probablement douce. Ses cils avaient été collés par les larmes et il eut envie de la serrer dans ses bras. Mais elle le regardait avec une telle méfiance qu’il n’en fit rien. Ses yeux racontaient une histoire. Et la fin était triste.

Ils montèrent dans sa voiture.

_ Pourquoi ? demanda-t-elle lorsqu’il mit le contact.
_ Pourquoi quoi ?
_ Pourquoi est-ce que tu m’aides ?

Niall la considéra un instant, interdit.

_ Parce que tu en as besoin, dit-il après quelques longues secondes de réflexion.
_ Merci, souffla-t-elle en regardant ses pieds.



*




James avait couru. Il était rentré chez lui, avait balancé son sac avec rage et était reparti aussi sec. Il parcourait la campagne de Hellsburry en trottinant sur un bon rythme, grimaçant à cause des points de côtés et de ses poumons qui lui brûlaient la cage thoracique. Mais ça faisait du bien. Il se vidait d’énergie, s’aérait la tête et c’était plus facile pour accepter le rejet de May.

Il passa en revue leurs souvenirs communs. Leur rencontre au club de kayak, son corps moulé dans la combinaison qui n’aurait mis personne en valeur sauf elle. Il avait d’abord été attiré par son physique et toute personne honnête avec elle-même avouerait que c’est la raison pour laquelle on s’intéresse en premier lieu à une personne du sexe opposé. Mais il n’était pas tombé amoureux de ses lèvres en forme de cœur, de ses cheveux soyeux, de ses fossettes quand elle riait ou de ses jolies formes de femme en construction. Il était tombé sous le charme de sa passion quand elle parlait de musique, de sa volonté lorsque l’effort physique devenait mental, de sa patience avec les gens qui l’entouraient. Il avait accepté le peu de liberté que lui laissaient ses parents, l’exigence qu’elle s’imposait à elle-même, la recherche constante de la perfection ; il l’avait choisi entière et l’avait aimé très rapidement. Mais pas réciproquement.

Et puis les choses avaient commencé à mal tourner. La rancœur avait commencé à s’installer en lui, fourbe, serpentant comme un filet dans ses veines, le pourrissant petit à petit. L’obsession avait remplacé l’admiration et il s’était changé en un sociopathe très habile. Les cris avaient fusé, la manipulation s’était insinuée, la frustration avait grandi et l’implacable réalité s’était imposée à lui : jamais May n’éprouverait ce qu’il ressentait pour elle. Malgré tous ses efforts. Avec toute la volonté du monde.

Leur relation avait donc changé. James avait découvert qu’en sortant avec d’autres filles, il pouvait supporter le quotidien et être l’ami dont May avait besoin. Mais jamais il ne cessait d’espérer qu’elle tombe amoureuse de lui.

A la rentrée scolaire, les choses avaient empiré. May avait perdu beaucoup de poids, elle était devenue encore plus désirable et l’obsession de James l’avait saisi à nouveau, ramené à l’enfer des premières semaines. Le poids d’un travail de plusieurs années s’était évanoui lorsqu’il l’avait vue dans sa robe le soir du bal de début d’année et il avait perdu la tête. Il lui arrivait de la suivre lorsqu’elle avait le dos tourné. De sentir ses cheveux lorsqu’il l’embrassait. De garder ses pinces à cheveux et ses stylos, comme des talismans. Il l’imaginait dans tous ses rêves, fantasmait à l’idée de l’enlever et de l’avoir pour lui seul. En elle résidait tous les espoirs de sa masculinité.

Il s’était égaré du droit chemin. Avait tenté par tous les moyens d’enlever l’image de son sourire dans sa tête. A une soirée très arrosée, il avait perdu les pédales et s’était laissé guider vers une autre palette de possibilités. D’abord, un garçon avait posé sa main sur son bras quand ils ne faisaient encore que discuter. Et James avait observé ses veines apparentes et avait trouvé qu’il était très beau. Et puis on lui avait proposé d’aller à l’étage fumer de l’herbe ; il avait accepté. S’était confié à lui, s’était énervé, avait frappé l’air d’un coup de poing rageur. Et le garçon avait posé à nouveau sa main, mais sur son genoux cette fois-ci. Ça l’avait calmé. Ça l’avait même plus que calmé, ça l’avait empli d’une douce chaleur et alors, James avait posé sa main sur la sienne et ils étaient restés quelques secondes dans le silence, à s’observer. Et le garçon avait remonté sa main vers son épaule, le caressant du bout des ongles, et James s’était dit qu’il était décidément vraiment très beau. Il lui avait passé sa main joliment dessinée dans son dos et l’avait rapproché de lui, et James s’était laissé faire. Il s’était laissé faire lorsque le garçon lui avait lentement déboutonné la braguette, il s’était laissé faire lorsqu’il avait passé un doigt dans son caleçon, un regard inquisiteur lui demandant l’autorisation d’aller plus loin. Il l’avait laissé aller plus loin, et s’était surprit à ne pas imaginer le sourire de May lorsque les sensations l’avaient empli, mais les mains musclées de son partenaire. Une sensation exquise l’avait alors transporté dans la volupté, au rythme que lui imposait la main du garçon. Celui-ci l’observait, guettant le moment de jouissance et lorsque celui-ci était survenu, il avait noué ses lèvres à celles de James qui avait répondu sauvagement à son baiser.

Le lundi, James ne s’était toujours pas remis de cette soirée. Il lui avait fallu plusieurs heures de sommeil, un Mac Do et plusieurs doses d’aspirines avant de se souvenir des moindres détails, et l’impossible vérité s’était imposée à lui.
Sauf qu’il ne voulait pas de cette vérité. Il voulait May. Si May l’aimait, alors, ça signifierait qu’il n’était pas gay. Son père était intolérable avec ceux qui aimaient le même sexe, s’il apprenait que son propre fils…

Alors James avait refoulé, nié tout en bloc et avait laissé l’alcool plaider coupable. Il avait appris le nom de son amant, Travis, pour mieux l’ignorer et l’oublier. Les cheveux de May. Les longs cils de May. L’odeur sensuelle de May. Son grain de beauté au coin de son œil droit. Sa tâche de naissance au niveau de la cheville. Sa peau dorée. Ses poils blonds. Sa voix mélodieuse. Son rire forcé. Son air contrarié. Son air triste. Son regard fuyant. Son corps devenu maigre.

Il l’avait poussé trop loin. Il fallait qu’elle l’aime, elle ne comprenait pas, si elle ne l’aimait pas, il était fichu. Il fallait à tout prix qu’elle ressente ce qu’il ressentait pour elle, sinon il devrait admettre l’inavouable et il était hors de question de le faire. Il n’était pas une tapette.

James s’arrêta de courir pour vomir. Accroupi dans le sable, il était pris de convulsions tellement le rejet était puissant. Il sentit une main se poser sur son épaule. Une main musclée, puissante. Il recula prestement et fit face à Travis, qui le regardait, impassible.

_ Tu me suis ou quoi ? demanda James en essuyant rageusement ses larmes.
_ Non, j’habite juste à côté. Je cours tous les jours ici, c’est plutôt toi qui est sur mon territoire.

Il était étonnamment calme.

_ Qu’est-ce que tu veux ? demanda James, méfiant.
_ T’aider.
_ Je n’ai pas besoin d’aide.
_ Oh si. Crois-moi.

James baissa les yeux. A bout de forces, il s’assit sur le sable mouillé du lac et reposa sa tête dans sa main, une grimace de douleur figée sur le visage. Travis s’accroupit en face de lui.

_ Tu as passé les derniers mois à me rejeter mais, tu ne te rendais pas compte que ce que tu rejetais, c’était toi.
_ Je ne sais plus où j’en suis… souffla James en mettant sa tête entre ses genoux, pour cacher son visage.
_ Je ne te cache pas que ça va être compliqué… mais tu vas finir par t’aimer comme ça. On est tous passés par là.
_ Pour moi tu essayais juste de… enfin je ne pensais pas que j’étais…
_ Quoi, homo ? Ce n’est pas un gros mot tu sais.
_ Je me disais juste que si elle m’aimait, j’allais être guéri.
_ L’homosexualité n’est pas non plus une maladie, mais on va avancer par étape, une chose à la fois, sourit avec indulgence Travis.
_ En plus d’avoir perdu ma meilleure amie, je me suis perdu moi-même. Elle m’a quand même brisé le cœur.
_ Probablement que tu l’as vraiment aimé ta May. Mais aujourd’hui, même si c’est compliqué et que tu as de la peine, tu as fait un énorme pas en avant en admettant que tu n’étais pas celui que tu croyais être. Je suis fier de toi.

James releva les yeux et croisa ceux sympathiques de Travis. Il l’avait rejeté de nombreuses fois depuis leur moment d’intimité, lorsque celui-ci était revenu. Il regrettait maintenant. En perdant May, il venait peut-être de se trouver.



*




Alienor se parfuma une dernière fois avant de sonner à la maison des One Direction. Elle avait vu un paparazzi caché dans les buissons et avait trouvé cela excitant. Elle espérait secrètement que ce soit Harry qui lui ouvre pour s’offrir la couverture de magazine people. Mais ce fut Louis.

_ Ah c’est toi.
_ Salut, tu vas bien ? dit-elle avec un peu trop d’entrain.
_ Est-ce que Harry sait que ?..
_ Je vais dans sa chambre, c’est une surprise.

Elle monta prestement à l’étage comme si elle était chez elle et ne frappa même pas à la porte. Harry était allongé dans son lit, nu comme un vers, visiblement endormi encore quelques secondes avant qu’elle ne grimpe les escaliers.

_ On devait se voir ? demanda-t-il en regardant sa montre.
_ Non.
_ Alors pourquoi es-tu là ?
_ Joyeux anniversaire de nous. Ça fait 3 mois. C’est très bien tu es déjà en tenue.

Elle dénoua son manteau et Harry découvrit le corps de sa petite amie habillé uniquement de pièces de lingerie en dentelle.

_ Wow, fit-il, tout d’un coup très réveillé.

Elle ondula jusqu’au lit, laissant glisser théâtralement son manteau au sol.

_ Je me sens stupide, je n’ai pas de cadeau, avoua Harry alors qu’elle l’embrassait dans le cou.
_ Offre moi un moment mémorable, ce sera tout aussi bien, ronronna-t-elle avant de rabattre la couette sur leurs deux corps nus.


*



Harry avait enfilé pour unique vêtement un jogging. Il s’était adossé à sa tête de lit et observait Alienor à sa fenêtre, une cigarette à la main et la mine penseuse.

_ Tu fumes beaucoup, déclara-t-il.
_ Mes clopes sont toutes post-coïtales.
_ Tu en es à combien de paquets par semaine ?
_ Haha, très drôle, répondit-elle ironiquement.

Harry sourit, amusé de sa blague. Elle avait revêtu un sweat à lui qui lui tombait juste au-dessous de ses jolies fesses fermes. Ses cheveux blonds étaient rentrés à l’intérieur du col. Sa mine était soucieuse.

_ Avoue qu’on fait beaucoup l’amour, dit Harry.
_ On doit beaucoup s’aimer, répondit-elle avec un sourire.
_ Ouais… ça doit être ça.

Il noua le cordon autour de ses hanches pour que le survêtement ne glisse pas et descendit au rez-de-chaussée. Louis et Liam étaient dans la cuisine et se préparaient un sandwich.

_ Je peux en avoir un ? demanda le bouclé.
_ Tu peux avoir tous les ingrédients pour le fabriquer toi-même, déclara Louis en lui glissant tous les éléments.
_ C’est le repas du guerrier ? demanda Liam en croquant avec appétit.
_ Ouais, si on veut, rit Harry en tartinant du beurre de cacahuète.
_ Je crois que la prochaine fois, tu devrais lui faire une position où elle aurait plus de sensations, parce qu’honnêtement elle n’a pas assez crié, le voisin du bout de la rue ne l’a pas entendue.

Harry jeta le torchon à la figure de Louis qui explosa de rire. Liam essayait de garder son calme mais avait du mal à cacher son sourire.

_ Désolé d’être un dieu du sexe.
_ Crois-moi, tes prestations n’ont rien à voir avec sa capacité vocale. Je pense qu’elle aime juste emmerder le monde, dit Liam.
_ Ou alors prouver à tout le monde qu’elle prend son pied.
_ Vous commencez à être vulgaires.
_ Elle nous pète les tympans, je pense qu’on sait de quoi on parle, glissa Liam.
_ Imaginez, je suis à quelques centimètres de sa bouche lorsqu’elle hurle, je sais encore mieux que vous de quoi vous parlez…

Ils partirent tous les trois dans des ricanements amusés.

_ C’est de plus en plus souvent…
_ Je sais, dit Harry en croquant dans son sandwich.
_ Tu veux mon avis ? demanda Louis.
_ Même si je te dis que non tu vas…
_ A mon avis, c’est uniquement pour meubler vos moments. Vous ne discutez plus, alors vous couchez ensemble. C’est aussi efficace et en plus ça te crève. Ça te donne l’impression d’avoir eu un moment de complicité alors qu’elle s’est juste contentée de faire la danse du ventre pendant vingt-cinq minutes.
_ On a jamais énormément discuté, avoua Harry.
_ Raison de plus.
_ Celle avec qui je discutais, c’était May…
_ Vas Hapenin, les salua Zayn en entrant dans la cuisine.
_ Salut l’abonné aux absents, ça faisait un bail.
_ Toujours le mot pour faire plaisir, répondit Zayn en souriant néanmoins.
_ Tu tombes mal Zayn, le temps est aux grandes discussions existentielles.
_ Je veux en être, dit le Pakistanais.
_ Tu en penses quoi d’Alienor ?
_ Elle a une sacré voix.

Ils rirent tous nerveusement. Harry savait qu’elle était à l’étage et qu’elle fumait, qu’il n’y avait aucune chance qu’elle entende leur conversation mais sa conscience l’allumait quand même en lui disant que ce n’était pas bien de parler de quelqu’un juste à côté.

_ A part ça ?
_ Elle est jolie, tu l’aimes bien, j’en sais rien moi, ça ne me regarde pas, répondit Zayn en levant les mains.
_ Harry, si tu veux vraiment savoir, commença Liam, elle t’utilise. Elle t’aime pour ce que tu as, pour ce que tu représentes, pas pour ce que tu es. Sinon, elle ne ferait pas tous ces efforts pour te plaire. Et elle voit bien que tu t’essouffles, que tu regardes les autres filles, que tu commences à te lasser. C’est pour ça qu’elle t’abrutit de sexe, qu’elle est beaucoup moins capricieuse qu’elle ne l’était. Elle agit avec le désespoir.
_ Qu’est-ce qui te dit qu’elle ne m’aime pas vraiment ?
_ La fenêtre, elle était ouverte lorsque vous avez fait l’amour ?
_ Euh, oui, je crois, enfin, au moins à la deuxième fois parce qu’elle fume toujours après.
_ Il y avait un paparazzi devant la maison tout à l’heure. Tout ce que tu veux que la fenêtre était ouverte exprès pour qu’il entende et qu’il le rapporte à un magazine. Elle sera dans un tas d’articles de presse dès demain, vêtue d’une fringue à toi et d’un titre ravageur qui fera rêver et jalouser des millions de filles.
_ Tu ne pousses pas le bouchon un peu trop loin Liam ?
_ Elle est toujours plus tactile lorsque des caméras sont dans le coin. Même toi tu l’as remarqué. Ne lui trouve pas d’excuses, tu sais que ce que je dis est vrai.
_ Ok, admettons que vous ayez raison. Je ne suis pas à plaindre, j’ai le droit à une dose de sexe hebdomadaire qui ferait rougir la reine d’Angleterre !
_ Parce que cette situation te convient ? demanda Louis en haussant les sourcils.

Harry baissa les yeux et réfléchit.

_ Hazza, peut-être qu’elle baise comme une déesse ta Alienor, mais ce n’est pas quelqu’un de bien. Elle a évincé sa meilleure amie depuis de nombreuses années pour t’avoir à elle seule, elle agit comme un bouledogue violent à chaque fois qu’une fille ose poser ses yeux sur toi. Tu es devenu sa chose.
_ Alienor n’allait pas soutenir une pauvre fille comme May, peu importe le nombre d’année d’amitié les liant, cracha Harry dont la colère était palpable lorsque les garçons évoquaient May.
_ Parce que tu crois que c’est elle qui a envoyé un texto avec une photo à poil d’une cochonne au lycée tout entier ? demanda Louis avec indignation.
_ Tu l’as reçu comme moi ce texto…
_ Un portable, ça se pirate, ça se vole. Après tout, ce n’est pas moi qui passait mon temps à discuter avec elle, alors je ne sais pas vraiment, mais il ne me semblait pas que c’était ce genre de filles.
_ Tu crois que c’est plus le genre d’Aly ?

Un lourd silence suivit la question du benjamin.

_ Je ne veux pas t’influencer, dit Zayn. Je n’ai eu affaire à May qu’une seule fois. C’était en tout début d’année, au bal, à l’époque où je côtoyais Alison, vous savez, la blonde avec qui je passais beaucoup de temps…
_ Oui oui, on voit très bien, dit Louis avec un sourire lubrique.
_ Bref, c’est à cette soirée là qu’on s’est beaucoup rapprochés. Et quand je dis ça, j’entends qu’on a couché ensemble dans les toilettes du dernier étage.
_ Pardon ?
_ Putain me jugez pas, ça nous a pris d’un coup, comme ça. La question n’est pas là, quand on est sorti des toilettes, on a croisé May qui venait juste d’arriver. Je ne me rappelais pas que c’était elle jusqu’à ce que tu la vires de chez nous, Harry, le soir du nouvel an. Mais quand je l’ai regardé dans les yeux, je me suis souvenu. Le soir du bal, la situation était plus que compromettante, mais elle a promis de ne rien dire. Et elle n’a jamais rien dit. Je ne sais pas qui elle est, je ne la connais pas, mais elle sait garder les choses pour elle. Ça la rend digne de confiance. Ne te l’a-t-elle jamais prouvé Harry ?

Le bouclé n’eut pas le temps d’y réfléchir. Alienor descendait les escaliers en s’étirant, déclarant qu’elle mourait de faim. Il plia le sandwich en deux et lui tendit alors que les autres garçons quittaient la pièce. Zayn le regarda une dernière fois, d’un air entendu.




Laissez un commentaire

« Précédent 118 19 20 21 Suivant »



PARTENAIRE

WEBOVIDEO & WEBOMUSIC